Créée en 2014 par Yoann Bourgeois au sein du CCN2-Centre chorégraphique national de Grenoble, la pièce Celui qui tombe se pose à la Tohu du 14 au 17 mars 2018.
Le spectacle dure une heure sans entracte. C’est vertigineusement grandiose et ça vaut le détour. Sur scène, six talentueux danseurs, maîtres du mouvement, s’opposent à la scène elle-même. Massif plateau de bois craquant et grinçant sous le pas des artistes, suspendus à deux mètres du sol, tournant sur elle-même tel un terrifiant manège, posée en équilibre sur un pivot central comme une assiette chinoise, ou encore, utilisée comme titanesque balançoire, la scène se transforme et permet de dresser différents tableaux où les danseurs font magnifiquement face aux contraintes qu’elle leur impose.
Les costumes, simples habits de tous les jours aux couleurs vives, participent à faire transparaître dans le ballet des artistes une scène du quotidien. Le spectateur devenant témoin, comme devant sa fenêtre, ou encore assis à la terrasse d’un café regardant passer la vie. Et quelle vie !
Après une brève introduction des artistes et de la scène, celle-ci est amarrée au sol et commence à tourner à un rythme effréné. Dans ce tourbillon, les danseurs doivent tantôt s’entraider pour garder l’équilibre en luttant contre les forces centrifuges et centripètes et tantôt accompagner le mouvement créant une tumultueuse ode au mouvement.
Dans cette course guidée par des courants contraires, les artistes se croisent, tombent, se relèvent… La rotation s’accélère, la musique s’arrête et reprend, participant à figer le temps lui-même. Sous l’effet des forces que subissent les artistes, on les admire alors se mouvoir presque en apesanteur dans un moment de grâce au cœur de la tourmente.
Le spectacle enchaîne avec une magnifique prouesse technique où la scène, en équilibre sur un seul pivot, force les artistes, devenus contrepoids, à toujours préserver un fragile équilibre afin de l’empêcher de heurter le sol. Ce bijou d’ingéniosité à lui seul image parfaitement ce qui semble être le fil conducteur de cette œuvre : ensemble, on est plus fort.
En effet, un geste trop brusque, et la cohésion se brisent en même temps que l’équilibre est perdu. La magie de la technologie s’associe ici au talent des artistes. La polyvalence de la scène est exploitée dans deux autres tableaux où elle met en avant la force et la maîtrise des danseurs qui continuent de lutter contre elle ou se laissent porter, côtoyant le risque dans un magnifique ensemble.
Malgré quelques moments plus lents, le spectacle est sublime. Il est à noter que le spectacle s’apprécie d’autant plus avec un peu de hauteur puisqu’une partie de la chorégraphie s’effectue néanmoins au sol.