Pour sa dernière pièce de sa saison 2015-2016, le théâtre La Bordée présente jusqu’au 7 mai la pièce Qui a peur de Virginia Woolf? d’Edward Albee. Une pièce qui happe le spectateur comme un coup de poing et surtout fait réfléchir sur les couples et les jeux de pouvoir et de séductions avec des textes poignants et des interprétations hors pairs des quatre comédiens.
La pièce Qui a peur de Virginia Woolf? se déroule entièrement pendant une nuit durant laquelle George (Normand Bissonnette) et Martha (Lorraine Côté), l’un professeur d’histoire et l’autre fille du recteur de l’Université, mariés depuis plus de vingt ans, se détruisent à coups de paroles et d’actes tous plus cruels les uns que les autres devant leurs invités : Nick (André Robillard), professeur de biologie et Honey (Élodie Grenier), femme-enfant à l’allure angélique.
Écrite et montée pour la première fois en 1962 à Broadway, la pièce d’Edward Albee explore les thèmes de la séduction, du mensonge, du jeu de pouvoir, de la trahison pour ne nommer que ceux-là. Traduite par Michel Tremblay, elle y est bien adaptée aux réalités québécoises.
Le décor et les costumes campent discrètement l’époque, soit le début des années 60, et le milieu aisé des universités américaines. Par contre, la mise en scène sobre d’Hugues Frenette laisse ici toute la place au propos de l’auteur américain qui a d’ailleurs misé lui-même sur le texte.
La place est entièrement donnée aux quatre comédiens qui, avec leur jeu magistral, portent les répliques assassines et les regards bravaches comme autant de coups de couteau, dans leur propre chair autant que dans l’égo de leur adversaire.
Lorraine Côté nous livre une Martha terrifiante de réalisme. Sur fond d’alcoolisme, tantôt hystérique, tantôt résolument perverse et narcissique, on a peine à la supporter et elle nous captive tout à la fois. D’abord dans sa méchanceté gratuite… puis dans ses failles, dans ses blessures d’estime et dans la fragilité qu’elle tente farouchement de cacher.
Le George de Norman Bissonnette, qu’on croit d’abord insensible et « bougonneux », se révèle de plus en plus complexe, passant des suppliques aux accès de colère, de la victime au manipulateur, du « loser » socialement phobique au stratège machiavélique.
Le Nick d’André Robillard est opportuniste et sait jouer sur les mots comme autant de petites armes contre les autres et pour se protéger lui-même. Il joue le jeu de séduction avec brio sans tomber dans la caricature.
Une mention particulière pour la jeune Élodie Grenier, qui joue avec brio la « nunuche » de service, femme-enfant qui se révèle bien moins innocente qu’il n’y parait… La comédienne a su donner à Honey, la 3e dimension, qui nous la rend moins « conne », plus humaine et, finalement, carrément émouvante.
Qui a peur de Virginia Woolf?: une pièce à voir, portée par de grandes interprétations, qui déstabilise, mais qui fait réfléchir.
Au revoir, Monsieur le directeur
Après 12 ans à la direction artistique, Jacques Leblanc quitte la Bordée pour aller former la jeunesse ! En effet, M. Leblanc prendra, dès le mois prochain, la direction générale du conservatoire d’art dramatique de Québec.
Visiblement ému par l’ovation spontanée que lui a offert le parterre à l’occasion de son dernier au revoir public le 13 avril dernier lors de la première, Jacques Leblanc a tenu souligner le travail et le talent des nombreux collaborateurs au cours de ces années à la barre du théâtre de Québec et à dire tout le plaisir qu’il y aura trouvé. Il a également remercié les mordus de théâtre de la Capitale pour leur appui constant aux projets de La Bordée.